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Aurore Martin explore des paysages intérieurs...

" ... Que se passe t-il lorsque l’on ferme les paupières, comme l’on ferme ses volets ? "


Lorsque nous fermons les yeux, les mécanismes de la vue s’appliquent toujours. Les récepteurs situés sur la rétine continuent d’être stimulés. Apparaissent alors deux phénomènes : les phosphènes, qui se traduisent par l’apparition de lueurs ou de taches colorées dans le champ de vision ; et la persistance rétinienne, une rémanence d’environ un dixième de seconde de la scène observée. Ce sont ces payasages intérieurs qu'Aurore Martin a choisi d'explorer.


Phosphènes, c'est à découvrir au 12 La Galerie, du 6 septembre au 4 octobre 2025.


Photo : Nathan Combeaud - Belauror - 2025
Photo : Nathan Combeaud - Belauror - 2025

Comment es-tu arrivée à t'intéresser aux phosphènes, à la persistance rétinienne et à ce que tu décris comme un "paysage intérieur" ?


J’ai d’abord porté mon attention sur les paysages extérieurs puis j’ai pris du recul. En observant la fenêtre, cet élément architectural qui marque la limite entre l’intérieur et l'extérieur, j'ai commencé mon étude des phénomènes de réflexion. Ensuite, j’ai remarqué que la fenêtre partageait certaines caractéristiques avec d'autres objets électroniques, les smartphones notamment, ouvrant une porte sur le digital.

Aujourd’hui, je suis revenue au point de départ de mon regard : l'œil. Je m’interroge sur un paysage intérieur au corps, visible lorsque l’on ferme les paupières, comme l’on ferme ses volets.

C’est au cours de mes recherches que j’ai pu mettre des mots sur ces phénomènes de phosphènes dont j’avais déjà pu faire l’expérience par le passé, mais sans y porter une grande attention.


Est-ce que tu peux nous parler de ce protocole dont tu t'es servie pour la réalisation de la série Vu les yeux fermés ? et de la technologie Roxiva ?


Afin d’étudier les phénomènes, j’ai choisi une approche presque scientifique et donc protocolaire. J’ai décidé, pendant un peu plus d’un mois, de porter mon attention sur ces phénomènes neuronaux, et de les retranscrire par paires, au pastel gras sur papier. Certaines fois, je les contemplais de manière passive, d’autres fois je cherchais à les provoquer en exerçant une faible pression sur mes yeux, puis en la relâchant brusquement. Au dos de la majorité de mes dessins, j’ai noté la date et une petite description de la situation dans laquelle je me trouvais.

C’est pendant une conversation avec l’artiste plasticienne, Stéphanie Hoareau, que je découvre la technologie Roxiva, anciennement appelée Pandora Star. Il s’agit d'une lampe à lumière pulsée, blanche, qui utilise différentes fréquences de pulsation dans des programmes de durées variées. On fait l’expérience de cette lampe les yeux fermés et dès lors que les paupières sont closes, la lumière blanche se transforme en tâches mouvantes, colorées, pouvant faire penser aux fractales, qui traversent le champ de vision.

Lorsque j’en ai fait l’expérience, j’ai remarqué une perte de repères dans le temps et dans l’espace. Je me suis complètement perdue dans la contemplation du spectacle qui se déroulait devant mes yeux – ou à l’intérieur. Une sensation similaire à la méditation. Mon expérience de cette technologie a été très enrichissante, même si elle n’a pas été utilisée dans la production des pièces de l’exposition.


...porter son attention sur ces phénomènes omniprésents, mais dont on ne perçoit pas forcément la présence


Photos : Nathan Combeaud - Belauror - 2025


Pourquoi le choix de la peinture, après avoir exploré la photographie ou l'animation pour travailler sur ces phénomènes ?


Contrairement à mon processus créatif habituel, je n’ai pas pu utiliser la photographie pour capturer ces phénomènes avant de les retranscrire, je l’ai fait de mémoire. En revanche, je les ai d’abord retranscrits en dessins au pastel gras, avec l’envie de découvrir un médium qui m'était encore inconnu, dans la tentative de reproduire l’effet de translucidité avec un matériau plutôt opaque, afin de jouer avec des effets contradictoires : de transparence et d’opacité, avec des contrastes entre lumière et obscurité.

C’est durant la résidence que j’ai voulu retrouver mon médium de prédilection, la peinture à l’huile en travaillant de manière expérimentale sur verre. Finalement, la pratique de l'animation s'est imposée comme une évidence. C'est le phénomène de la persistance rétinienne qui a permis le cinéma et l'animation tels qu’on les connaît aujourd'hui. Il s'agissait donc de retranscrire le mouvement des phosphènes tout en mettant à profit la persistance rétinienne.


Tu établis un parallèle saisissant entre tes créations et les "clichés de l'espace", évoquant même les études sur les phosphènes dans le cadre des voyages spatiaux. Cette connexion entre l'intime et le cosmique était-elle consciente dès le début ?


À force de contemplation de ces phénomènes visuels, et en voyant les nombreuses retranscriptions accumulées, j’y ai vu une imagerie similaire à certains clichés de phénomènes spatiaux : aurores polaires, nébuleuses, étoiles....

Ces similitudes se sont confirmées lorsque j’ai découvert que les phosphènes sont étudiés chez les astronautes qui effectuent des voyages spatiaux. Le parallèle s'étend au rapport d'échelle des phénomènes. Car lorsque l’on ferme les yeux, le champ visuel semble ne plus avoir de limites comme l’espace semble être infini.


L'exposition invite le visiteur à un voyage introspectif unique. Quel regard ou quelle expérience aimerais-tu qu'il ou elle, emporte en quittant la galerie ?


Cette exposition propose au regardeur, de porter son attention sur ces phénomènes omniprésents, mais dont on ne perçoit pas forcément la présence, un peu comme le nez au milieu de la figure.

Ces dessins aux résultats abstraits proviennent d'expériences visuelles concrètes. J’aime explorer les limites entre l’abstraction et la figuration à travers mes peintures ou mes dessins. Ici ils permettent au public de découvrir l’abstraction sous un autre angle.

De manière générale, mon travail a pour but de redonner au spectateur le goût de la contemplation. Ici, pas besoin d'aller bien loin pour voir quelque chose de nouveau, de surprenant, d’étrange ou de dépaysant, on a qu'à fermer les yeux.


Enfin, qu'est ce que tu retiens de cette collaboration mise en place avec Constellation et La Semeuse ?


Je retiens l'envie de promouvoir et de professionnaliser les jeunes artistes sortant d’écoles d’arts. Je suis très reconnaissante que Constellation m'ait fait confiance, ait cru en mon projet. Je remercie également Clément Striano pour son accompagnement.

Il s’agit de ma deuxième résidence dans le cadre du programme de La Semeuse. Cela m’a permis de vivre deux expériences de résidences bien différentes. Avec Constellation, j’ai pu travailler dans un cadre plus intimiste, ce qui a pu me rappeler la chambre dans laquelle j’ai commencé la peinture et le dessin.



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Phosphènes

Aurore Martin

du 6 septembre au 4 octobre 2025

En partenariat avec l'Ecole Supérieure d'Art de La Réunion et La Semeuse


> Vernissage le sam. 6 septembre de 18H à 20h


12 La Galerie : 12 rue Sainte-Marie, 97400 Saint-Denis

Tous les samedis de 11h à 18h, le reste de la semaine sur RDV (12lagalerie@constellation.re)



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