Le silence des sirènes
12 La Galerie du 2 avril au 21 mai 2022
Juliette Dennemont a choisi de s'intéresser pour sa première exposition personnelle, à une figure à la fois étrange et populaire dont les représentations ont évolué à travers les époques : la sirène.
Dans l'imagerie populaire, les sirènes sont des créatures fantastiques marines : ce sont des femmes dont le corps se termine en queue de poisson... Mais dans la mythologie grecque, les fameuses sirènes que croise Ulysse dans l’Odyssée d’Homère sont des femmes-oiseaux. Des créatures qui détournent les marins de leur route grâce à leur chant et leur voix enchanteresse, les égarent en pleine mer, puis les tuent et les dévorent...
C’est bien plus tard, au début du Moyen Âge, que les sirènes ont été représentées comme des créatures mi-femmes mi-poissons, telles qu’elles le sont dans la mythologie nordique, associant alors leur image au monde de l'enfance du rêve et de la féérie.
Cette exposition emprunte son titre à une courte nouvelle de Kafka qui présente la rencontre entre Ulysse et les sirènes, sous un tout nouvel angle : les sirènes au chant habituellement mortifère sont cette fois muettes face au héros.
« Or, les Sirènes possèdent une arme plus terrible encore que leur chant, et c’est leur silence. Il est peut-être concevable, quoique cela ne soit pas arrivé, que quelqu’un ait pu échapper à leur chant, mais sûrement pas à leur silence. Au sentiment de les avoir vaincues par sa propre force et à l’orgueil violent qui en résulte, rien de terrestre ne saurait résister. »
Aussi, au-delà de s'intéresser aux diverses représentations des sirènes à travers les époques, Juliette Dennemont tire sa principale inspiration de cette nouvelle, de ses paradoxes, de sa poésie et de son mystère.
Pour cette exposition, elle développe, à partir de médiums divers et variés, un univers graphique esthétique et coloré en puisant notamment dans les bestiaires médiévaux, illustrations diverses, ou encore en s'inspirant d'objets sculptés.
Entre cabinet de curiosité, autels rituels, et statuaire chimérique, les scènes qu'elle crée nous montrent les sirènes, ailées ou sous-marines, figées et toujours face à nous. Impossible d’échapper à leur regard, souvent mélancolique et absent. Sont-elles sur le point d’apercevoir Ulysse ou est-il déjà parti…?
Peut-être a-t-il déjà succombé, comme tant d’autres...? Il lui semble que c'est là, que se cache le drame profond et ineffable vécu par les sirènes...
Comme Ulysse, le spectateur, face aux sirènes muettes, saura-t-il seulement entendre leur silence et peut-être, le comprendre ?
" S’approprier le mythe, le retravailler, lui donner une nouvelle forme, et une nouvelle histoire..."
Le Silence des sirènes / Galerie
Juliette Dennemont en quelques mots...
- Tu as su que tu voulais devenir artiste quand …… J’ai toujours dessiné alors depuis petite je pense que j’avais cette idée un peu enfouie dans un coin de ma tête, mais sans y faire très attention. J’ai eu un parcours scolaire d’abord scientifique, et ce n’est qu’après le bac que j’ai décidé de me lancer un peu au hasard dans l’art. Au début je voulais faire de l’illustration, et puis finalement j’ai atterri aux Beaux-Arts, et je crois que c’est vraiment à ce moment précis que j’ai su que j’allais être artiste. - Un mot pour caractériser ton travail ? Hétéroclite. Je pars un peu dans tous les sens (un peu trop parfois !), j’aime toucher à tout, et essayer des techniques en tous genres. - 3 artistes qui ont compté pour toi ? - François Boisrond, un peintre faisant partie du mouvement de la figuration libre. C’est un mouvement qui propose une peinture figurative libre et colorée, c’est pop, il n’y a plus de frontières culturelles ou géographiques, c’est désinvolte et enthousiaste. J’adore le travail de François Boisrond, dans sa touche, ses couleurs et la façon dont il a évolué (et évolue toujours !) tout au long de sa carrière. Mais j’ai aussi un lien particulier avec ce peintre, car il a été mon chef d’atelier aux Beaux-Arts de Paris pendant 5 ans, et son soutien, ses conseils et sa bienveillance ont été déterminants dans mon travail et ma construction personnelle.
- Pierre et Gilles, un couple d’artistes plasticiens, photographe et peintre. Leurs œuvres abordent souvent les thèmes de la religion, de l’antiquité (grecque, hindoue, chrétienne…), de la culture pop et gay, de manière très riche et kitsch.
- Hajime Sorayama, un illustrateur célèbre pour ses pin-up robotiques dans un univers futuriste mêlant érotisme et SF. J’ai d’abord découvert une copie de son travail sur un manège, qui m’a longtemps fasciné. Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai appris son nom et ai pu découvrir son œuvre aussi géniale que kitsch !
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